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catégorie : La justification par le droit à la preuve

L’illicéité d'un moyen de preuve admis lors des débats à Avignon

Il arrive fréquemment que des justiciables pensent, à tort, qu’une preuve issue d’un fait illicite ne peut être admise devant les juges néanmoins elle peut être recevable dès lors que celle-ci est indispensable au droit à la preuve.

Un de nos clients, employeur d’un magasin à Avignon, a été confronté à cela. Il avait mis en place un système de vidéosurveillance car il avait remarqué de fortes anomalies au niveau de sa comptabilité et de son stock.

En l’espèce, une salariée avait commis plusieurs fautes notamment en vendant des produits à des prix inférieurs au prix de vente, en n’enregistrant pas les ventes de produits et en saisissant une quantité de produits inférieurs à ceux réellement vendus.

La mise en place d’une vidéosurveillance, sans en informer ses salariés est-elle une preuve recevable devant les juridictions ?

Mon client m’a consulté pour savoir s’il pouvait apporter la preuve des agissements de sa salariée au juge. Preuve qu’il avait obtenu, à priori, de manière illicite dès lors que les vidéosurveillances placées dans son local à Avignon ont enregistré ses salariés sans les prévenir et sans leurs accords.

Suite à l’analyse de ces vidéosurveillances, mon client a licencié une de ses salariés pour faute grave pour les raisons exposées ci-avant.

La salariée concernée par ces actes litigieux a contesté son licenciement pour faute grave aux motifs que la mise en place d’une vidéosurveillance permettant de contrôler l’activité des salariés et ayant été utilisée à cette fin n’avait pas fait l’objet d’une information préalable des salariés ni d’une consultation du CSE (comité social et économique).

Prendre rdv

En tant qu'avocat, pour défendre mon client, j’ai commencé mon argumentation juridique en précisant que les vidéosurveillances n’avaient pas été mises en place exclusivement pour filmer les salariés mais elles étaient destinées à la protection et à la sécurité des biens et des personnes présents dans le local commercial situé à Avignon.

Pour corroborer mon raisonnement juridique, j’ai précisé que dans un procès civil, l’illicéité dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats. Le juge doit en effet, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits, à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi (Cas. Soc. 14 fév. 2024, n°22-23.073).

Par la suite, j’ai précisé qu’en présence d'une preuve illicite, le juge doit d'abord s'interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l'employeur et vérifier s'il existait des raisons concrètes qui justifiaient le recours à la surveillance et l'ampleur de celle-ci. Il doit ensuite rechercher si l'employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d'autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié.

Enfin, le juge doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi.

J’ai justifié les agissements de mon client en précisant que le visionnage de ce dispositif de vidéosurveillance avait été effectué dans un contexte d’anomalies dans les stocks qui étaient justifiées par des écarts dans la comptabilité.

Il avait décidé de suivre les produits lors de leur passage en caisse et de croiser les séquences vidéos sur lesquelles apparaissaient les ventes de la journée avec les relevés des journaux informatiques de vente. Ce contrôle ayant été réalisé sur une période de 2 semaines. Un recoupement des opérations enregistrées à la caisse de la salariée avait ainsi révélé au total 19 anomalies graves sur cette période.

Pour parfaire la justification de l’utilisation de ce dispositif, j’ai argué du fait que le visionnage des enregistrements avait été limité dans le temps, après des premières recherches restées infructueuses et avait été réalisé par le seul employeur de l'entreprise.

De plus, la production des données personnelles issues du système de vidéosurveillance était indispensable à l'exercice du droit à la preuve de l'employeur et proportionnée au but poursuivi, de sorte que les pièces litigieuses étaient recevables.

Les juges ont validé mon raisonnement en jugeant qu’une mise en balance de manière circonstanciée était nécessaire entre le droit de la salariée au respect de sa vie privée et le droit de l’employeur au bon fonctionnement de l’entreprise, en tenant compte du but légitime poursuivi par l’entreprise, à savoir le droit de veiller à la protection de ses biens.

Si un tel litige s'oppose à vous, contactez le cabinet Demarquette-Marchat qui saura vous conseiller et vous accompagner tout au long de la procédure ! 

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